KNOLmnc 1 Une exception allemande : la traduction du De Interpretatione par le Professeur Gohlke . La note 10 sur les indéterminées du chapitre 7. A la Revue philosophique de la France et de l’étranger.

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Jean-François Monteil, ancien maître de conférences de linguistique générale à l’Université Michel de Montaigne de Bordeaux

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KNOLmnc 1 A German exception: the translation of On Interpretation by Professor Gohlke. His tenth note on indeterminate propositions. To Mind a Quarterly Review of Philosophy.

Paul Gohlke is the only scholar to translate the indeterminate (or unquantified) propositions of Aristotle – “On Interpretation”, chapter 7- conformably to the Master’s intentions


Note relative to the preceding article

The important feature of On Interpretation 7 is the fact that Aristotle cuts off the pair of contradictories: Ho anthropos esti leukos L’homme est blanc Man is white versus Ho anthropos ouk esti leukos L’homme n’est pas blanc Man is not white. Alas ! These sentences, absent from the Greek text of Aristotle, appear in most translations of On Interpretation,chapter 7! Ho anthropos esti leukos Man is white and Ho anthropos ouk esti leukos Man is not white appear there because embarrassed translators employ them to render the disconcerting indeterminate propositions of Chapter 7


FR Knol-C 001 Une exception allemande : la traduction du De Interpretatione par le Professeur Gohlke. La note 10 sur les indéterminées du chapitre 7, publié dans la Revue des Etudes anciennes 2001-Numéro 3-4.

(103)  Paul Gohlke est le seul érudit à traduire les propositions indéterminées d’Aristote ( De Interpretatione, chapitre 7) conformément aux intentions d’ Aristote.


Note relative à l’article précédent

(103 – a)      Le fait important du chapitre 7 du Peri Hermeneias, c’est qu’Aristote élimine le couple de contradictoires: L’homme est blanc versus L’homme n’est pas blanc. Dans les traductions, hélas, ces phrases absentes du texte d’Aristote apparaissent ! Elles apparaissent parce que des traducteurs désemparés les emploient pour rendre les embarrassantes propositions indéterminées, qui n’ont pourtant rien à voir avec elles. Ces indéterminées Esti leukos anthropos, Ouk esti leukos anthropos doivent se traduire : Il y a des hommes blancs, Il y a des hommes non-blancs. En effet, le maître nous dit qu’elles sont toutes les deux vraies.

Paul Gohlke – Deux

Une exception allemande : la traduction du De Interpretatione par le Professeur Gohlke . La note 10 sur les indéterminées du chapitre 7.

publié dans  la Revue des Etudes anciennes 2001-Numéro 3-4.

Table des matières

Résumé et Mots clés

Abstract and Key words

Introduction

     1  Les indéterminées dans le chapitre 7

     2  Un état des lieux surprenant

     3  Le problème linguistique posé par l’indéterminée négative du chapitre 7

    4 Analyse grammaticale de l’indéterminée affirmative. Les conséquences fâcheuses de la faute de traduction

     5 Gohlke traduit en respectant les intentions d’Aristote

     6 Lucidité de Gohlke

X

 Appendice I

Texte complet de la note 10

Traduction d’une partie de la note 10 avec commentaire

           

 Appendice II

 BIBLIOGRAPHIE –  NOTES  –  COMPLEMENTS

   -L’entrée spéciale Aristote et ses subdivisions

        I   l’œuvre de Gohlke et les deux éditions du texte grec faisant autorité.

       II  les traductions du De Interpretatione antérieures à celle de Paul Gohlke.

      III  les traductions postérieures à celle de Paul Gohlke.

   IV  remarques grammaticales destinées à aider le lecteur à apprécier les différentes traductions.

      V  rubrique consacrée à la traduction espagnole de C. Sanmartin.

     VI   le jugement d’Olof Gigon sur Gohlke.

   -Les autres entrées : Al-Farabi, Apulée, Arnaud (A) et Nicole (P), Blanché (R), Bochenski (J.M),  Brunschwig (J), Elamrani-Jamal (A), Goichon (A.M), Horn (Laurence.H), Hugonnard-Roche (H),  Jespersen (Otto), Kant, Kühner (R) et Gerth (B), Lambert (Johann-Heinrich), Lulle (Raymond), Lyons (J), Maïmonide (M), Makdour (I), Mill ( John-Stuart ), Monteil (J-F), Pollak (I), Porphyre, Saint Thomas d’Aquin,  Strauss  (Léo), Tricot (J)

X

Mots clés                                                                                                  

proposition(s) indéterminée(s)- indéterminée(s)- particulière(s)- universelle(s)- traduction(s) arabe(s)- carré logique- morphème(s) quantificateur(s)- marque- proposition particulière négative- proposition particulière affirmative- universelle(s) logique(s)- particulière(s) logique(s)- particulière(s) de la langue naturelle- universelle marquée de la langue naturelle- universelle non marquée de la langue naturelle- contradictoire(s) logique(s)- contradictoire(s) de la langue naturelle- référent- sens-  pouvoir spécifique de contradiction- contradiction dans la langue naturelle- contradiction logique- Gohlke- Aristote- Isidor Pollak- de interpretatione- l’interprétation- Peri Hermeneias- Hermeneutik- traduction(s) arabe(s)- article défini- article générique- Ibn Hunayn- langue-objet – métalangue- saturée(s) d’information- logique- langue naturelle

 

Résumé

Le Professeur Paul Gohlke est le seul à traduire les propositions indéterminées d’Aristote conformément aux vues du maître. Il fut le premier à percevoir le problème posé par l’indéterminée négative. Tous les autres traducteurs du Peri Hermeneias rendent les indéterminées d’Aristote, qui sont des particulières, par des universelles. La faute est imputable à l’une des deux traductions arabes.

    Le chapitre 7 étudie principalement les quatre propositions naturelles marquées à l’origine du carré logique :

Pas anthropos leukos                                                   Oudeis anthropos leukos

  Tout homme (est) blanc                                               Pas un homme (est) blanc

 Esti tis anthropos leukos                                               Ou pas anthropos leukos

(il) est quelque homme blanc                                        Pas tout homme (est) blanc

Il étudie aussi deux propositions dites indéterminées parce qu’elles sont dépourvues de morphèmes quantificateurs comme TisQuelque ou Pas-Tout : Esti anthropos leukos, Ouk esti anthropos leukos. Disant explicitement qu’elles sont toutes les deux vraies, Aristote dit implicitement que ce sont des particulières. Elles signifient donc respectivement Il y a des hommes blancs, Il y a des hommes non-blancs et sémantiquement équivalent respectivement  aux particulières marquées Certains hommes sont blancs et Tous les hommes ne sont pas blancs (ou Certains hommes ne sont pas blancs). Tout helléniste attentif reconnaît que la forme de l’indéterminée négative Ouk esti anthropos leukos avec la négation ouk portant sur un esti signifiant il y a induit le sens d’une universelle négative Il n’y a pas d’homme blanc donc Aucun homme n’est blanc. Aristote lui-même l’avoue. Pour que l’indéterminée négative soit interprétée comme une particulière négative, il faut substituer mentalement à Ouk esti anthropos leukos un Esti ou leukos anthropos Il y a un homme non-blanc avec la négation ou portant sur leukos et non sur le verbe esti il y a. Gohlke est exemplaire. D’une part, il traduit les indéterminées par des particulières comme le veut Aristote. D’autre part, il signale avec courage qu’on a affaire à un fait du Prince puisque Aristote nous demande d’interpréter un tour ayant le sens d’une universelle négative comme une particulière négative. A l’exception de Gohlke, tous les traducteurs rendent les indéterminées du chapitre 7 , qui dans l’esprit d’Aristote sont des particulières vraies, par des universelles fausses. L’universelle affirmative naturelle non marquée L’homme est blanc Les hommes sont blancs  traduit un Il y a des hommes blancs donc Certains hommes sont blancs ; l’universelle négative naturelle non marquée  L’homme n’est pas blanc Les hommes ne sont pas blancs qui a le même référent que l’universelle négative marquée Aucun homme n’est blanc, traduit une particulière négative voulant dire que certains hommes seulement ne sont pas blancs. L’article explique cette aberration.

    Il existe un système de trois couples de contradictoires naturelles :

                                                           a

                             Les hommes sont blancs               L’homme est blanc

                             Les hommes ne sont pas blancs   L’homme n’est pas blanc

                                  b                                                                c               

      Tous les hommes sont blancs                                    Certains hommes sont blancs

      Certains hommes ne sont pas blancs                         Aucun homme n’est blanc

Premier acte du drame : Aristote élimine de son champ d’observation le couple a où deux universelles naturelles non marquées s’opposent contradictoirement : Les hommes sont blancs (ou L’homme est blanc)versus Les hommes ne sont pas blancs (ou L’homme n’est pas blanc). Cette mutilation a des conséquences fâcheuses pour la linguistique et la logique.

Second acte : un des deux traducteurs Arabes mentionnés par I. Pollak, fort embarrassé par l’indéterminée négative croit judicieux pour rendre les indéterminées d’utiliser les deux universelles non marquées L’homme est blanc, L’homme n’est pas blanc qui, évincées par Aristote, sont sans emploi et donc disponibles.

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       Key words

indeterminate proposition(s)- unquantified proposition(s)- indeterminate(s)-particular(s)-universal(s)- Arab translation(s)- translation(s) into Arabic- logical square- quantifying morpheme(s)- quantifier(s)- mark- particular negative- particular affirmative- logical universal(s)- logical particular(s)- particular(s) of natural language- marked universal of natural language- unmarked universal of natural language- logical contradictorie(s)-contradictorie(s) of natural language- referent- sense- meaning-  specific power of contradiction- contradiction in natural language- logical contradiction- Gohlke-Aristotle- Isidor Pollak- de Interpretatione- On interpretation- Peri Hermeneias- l’interprétation-  definite article- generic article- Ibn Hunayn- object-language- metalanguage- saturated with information- logic- natural language

 Abstract

  Professor Paul Gohlke is the only translator to fully respect Aristotle’s own conception of indeterminates. He was the first to perceive the linguistic problem raised by the indeterminate negative. All the other translators of De Interpretatione mistakenly render Aristotle’s indeterminates, which are particulars, as universals. The origin of this mistake lies in one of the two Arab translations.

In Peri Hermeneias, chapter 7, Aristotle mainly studies the four marked natural propositions, which are at the origin of the logical square:

  Pas anthropos leukos                                                 Oudeis anthropos leukos

  Everyman (is) white                                                   No man ( is) white

 Esti tis anthropos leukos                                            Ou pas anthropos leukos

 Some man (is) white                                                    Not everyman (is) white

    He also studies two propositions said to be indeterminate in so far as they are devoid of quantifying morphemes like TisSome or Pas-Every : Esti anthropos leukos, Ouk esti anthropos leukos. Since Aristotle explicitly says that they are both true, he implicitly says that they are particular propositions. Therefore, they mean There are white men, There are non-white men respectively and are semantically equivalent of the marked particulars Some men are white and Not everyman is white (or Some men are not white). An attentive Hellenist cannot but recognize that the form of the negative indeterminate Ouk esti anthropos leukos with the negative adverb ouk bearing on an esti signifying there is conveys the meaning of a negative universal proposition There is not any white man, that is, No man is white. Aristotle himself confesses it. For the indeterminate negative to be interpreted as a particular negative, one must mentally replace Ouk esti anthropos leukos by Esti ou leukos anthropos  There is a non-white man with the negation ou bearing on leukos and not on the verb esti there is. Gohlke’s attitude is exemplary. On the one hand, he renders the indeterminates by particulars as Aristotle wants. On the other, he courageously says that we have to do with a fait du Prince since Aristotle enjoins us to interpret a sentence which obviously has the meaning of a universal negative as if it were a particular negative. All translators, save Gohlke, render the indeterminate propositions of chapter 7, which according to Aristotle are particular propositions that are true, by universal propositions that are false. The unmarked natural universal Man is white L’homme est blanc is used for translatinga sentence There are white men Il y a des hommes blancs that means Some men are white Certains hommes sont blancs ; In the same way, the universal Man is not white, L’homme n’est pas blanc which is the unmarked universal negative and has therefore the same referent as the marked universal negative No man is white  Aucun homme n’est blanc is used for rendering a particular negative signifying that only some men are not white. The article explains this aberration.

   There exists a system of three pairs of  natural contradictories :

                                                           a

                                      Men are white         Man is white

                                      Men are not white   Man is not white

                                  b                                                                 c               

              All men are white                                                      Some men are white

              Some men are not white                                            No man is white

 First act of the drama: Aristotle removes Pair a where two natural unmarked universals oppose one another contradictorily: Men are white (or Man is white Ho anthropos esti leukos)versus Men are not white (or Man is not white Ho anthropos ouk esti leukos). The mutilation has disastrous consequences for linguistics and logic.

Second act : to render the indeterminates, one of the two translators mentioned by I. Pollak, much embarrassed by the indeterminate negative, thinks it judicious to make use of the two unmarked universals removed by Aristotle and for this reason available.

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Paul Gohlke – Deux

Une exception allemande : la traduction du De Interpretatione par le Professeur Gohlke. La note 10 sur les indéterminées du chapitre 7.

publié dans  la Revue des Etudes anciennes  2001-Numéro 3-4

 

                                                                                               A Jean-Marie Jacques

 

 

 

            Etant à l’origine du carré logique, le chapitre 7 du De Interpretatione est un texte       d’Aristote particulièrement important. Rien en lui ne peut laisser indifférents le logicien et le grammairien. Un défaut dans ce texte fondateur  peut avoir des effets durables et engendrer, à notre insu, pesanteurs et retards.

            En 1951, le Professeur Gohlke publie à Paderborn chez Ferdinand Schöningh une traduction du De Interpretatione, dûment annotée. Le présent article invite le lecteur à prendre connaissance de la note 10 sur les propositions indéterminées d’Aristote, note qu’il trouvera en appendice, accompagnée d’une traduction et d’un commentaire. A notre connaissance, Gohlke est le seul à traduire les indéterminées du chapitre 7 conformément aux vues d’Aristote. A notre connaissance, il fut aussi le premier à percevoir le problème grammatical posé par l’indéterminée négative.

            Aristote voulant que ses indéterminées soient des particulières, Gohlke les traduit par des particulières. Tous les autres traducteurs les rendent par des universelles. Mais accordons à ceux-ci des circonstances atténuantes car ce que dit Aristote de l’indéterminée négative ne peut que susciter perplexité et embarras chez les hellénistes attentifs. L’indéterminée négative que le Stagirite nous enjoint d’interpréter comme une particulière et que nous devons donc traduire par une particulière est, en réalité, une universelle. Encore une fois, Gohlke semble avoir été original : il fut le premier, semble-t-il, à constater ce fait incroyable.

1-  Les indéterminées dans le chapitre 7

   Le chapitre 7 étudie d’abord les quatre phrases marquées, à l’origine du carré des logiciens. Elles sont présentées ci-dessous avec leurs symboles scolastiques. A  première voyelle, I deuxième voyelle du latin affirmo représentent respectivement l’universelle affirmative, la  particulière affirmative. E première voyelle, O seconde voyelle de nego représentent respectivement l’universelle négative, la particulière négative.

                          A                                                                                         E

   Pas anthropos leukos                                                   Oudeis anthropos leukos

  Tout homme (est) blanc                                               Pas un homme (est) blanc

   Jeder Mensch ist weiss                                                 Kein Mensch ist weiss

                  I                                                                                        O

 Esti tis anthropos leukos                                               Ou pas anthropos leukos

(il) est quelque homme blanc                                        Pas tout homme (est) blanc

 Irgendein Mensch ist weiss                                          Nicht jeder Mensch ist weiss

Le chapitre 7 étudie aussi les deux propositions traditionnellement appelées indéterminées. Elles sont représentées ci-dessous. Leur interprétation étant problématique, les séquences de mots français les accompagnant ne doivent pas être considérées comme des commencements de traduction. Elles servent uniquement à faire connaître au non helléniste les mots grecs utilisés.

Esti  leukosanthropos      Ouk esti leukos anthropos

est   blanc    homme         pas  est  blanc   homme

 Pour Aristote, le mot PAS (tout) de Pas anthropos leukos Tout homme est blanc et le mot TIS (quelque) de Esti tis anthropos leukos  Il y a quelque homme blanc sont respectivement la marque de la quantité universelle et la marque de la quantité particulière. Les deux propositions indéterminées sont ainsi appelées parce qu’elles sont dépourvues de ces marques. Cependant, quoiqu’elles soient non marquées, Aristote en fait pour le sens des particulières. En disant explicitement que ses indéterminées sont toutes les deux des propositions vraies, il dit implicitement qu’elles sont toutes les deux des propositions particulières. L’indéterminée affirmative équivaut donc à la particulière affirmative marquée Certains hommes sont blancs, l’indéterminée négative à la particulière négative marquée Certains hommes ne sont pas blancs (ou Tous les hommes ne sont pas blancs).

           2 – Un état des lieux surprenant

     Sont donc à écarter les phrases traductrices équivalant ou risquant d’équivaloir à des universelles. Or, dans sa traduction publiée chez Vrin, J.Tricot rend Esti leukos anthropos par L’homme est blanc, Ouk esti leukos anthropos par L’homme n’est pas blanc. Ce n’est pas une traduction, c’est une trahison : des propositions qui, pour Aristote, sont des particulières vraies  sont rendues par des universelles fausses. En effet, une phrase comme L’homme est mortel  fait connaître le même fait que Tout homme est mortel. Si, sur ce modèle, on dit L’homme est blanc avec article générique, on affirme que tous les hommes sont blancs. Si, sur le modèle de L’homme n’est pas une pierre, on dit L’homme n’est pas blanc, on affirme qu’aucun être humain n’a la peau blanche. Certains trouveront un peu abrupt notre jugement sur la traduction de Tricot. Nous les prions de considérer les deux faits suivants :

         1  La critique de la traduction à la Tricot n’est pas une nouveauté. Elle se trouve dans La logique de Port-Royal et le lecteur est invité à lire l’admirable chapitre que Nicole et le grand Arnaud consacrent à la question. Selon eux, les phrases du genre L’homme est blanc, L’homme n’est pas blanc ne doivent pas être considérées comme des propositions particulières mais comme des « universelles qui sont fausses ».

         2 Dans sa manière de rendre les indéterminées d’Aristote, Tricot reproduit une faute de traduction, vieille de plus de mille ans, puisqu’elle s’observe dans la traduction arabe d’Ibn Hunayn, mort en 910. Un traducteur, Ibn Hunayn lui-même ou un de ses prédécesseurs, a introduit dans les indéterminées du chapitre 7 un article défini générique dont elles sont dépourvues dans le texte grec. Considérons par exemple l’indéterminée affirmative. La faute de traduction, représentée par le Al insan huwa abyad  L’homme est blanc, de la traduction d’Ibn Hunayn consiste, en quelque sorte, à substituer Ho anthropos esti leukos L’homme est blanc à Esti leukos anthropos Il y a des hommes blancs. Dans Aristote, nous avons Esti leukos anthropos, qui a le sens d’une particulière : le verbe esti, placé en tête et associé au nom anthropos sans l’article défini ho, a le sens de il existe. Dans Aristote, nous n’avons donc pas du tout Ho anthropos esti leukos avec l’article ho et le verbe esti comme copule. Et pour cause : à Athènes, cette phrase contenait la même information que l’universelle marquée Pas anthropos leukos, Tout homme est blanc. Le fameux Kouphon ho poietes Chose légère que le poète  ne signifie pas que certains poètes seulement sont chose légère, il signifie que tous le sont. Cette faute de traduction, que révèle le texte d’Ibn Hunayn, s’est invétérée dans la tradition aristotélicienne, la traduction de Gohlke étant une glorieuse exception.

    Au reste, notre critique n’a pas besoin d’être de la dernière minutie. Même en supposant que la phrase avec article défini générique puisse avoir parfois la valeur d’une proposition particulière, et cela reste à prouver, ilne convient pas de s’en servir pour traduire un Esti leukos anthropos qui, dans le chapitre 7, a le statut d’un paradigme. Ayant la valeur d’une particulière, la phrase exemple doit être traduite par une phrase ayant toujours cette valeur, quel que soit le contexte. Telle est la vertu de traductions comme Il y a des hommes blancs Un homme peut être blanc.Pour disqualifier l’aberrante phrase traductrice L’homme est blanc, il n’est donc pas nécessaire de montrer qu’elle a toujours la valeur d’une universelle, il suffit de montrer qu’elle l’a quelquefois.

         Gohlke, dont nous conseillons la lecture, traduit l’indéterminée affirmative par Es kommt vor, dass Mensch weiss ist Il arrive qu’homme soit blanc, l’indéterminée négative par Es kommt vor, dass Mensch nicht weiss ist  Il arrive qu’homme ne soit pas blanc. Ces phrases ne sont pas du Goethe mais elles présentent l’originalité d’être des propositions particulières. Un Tricot en français, un Cooke en anglais, un Ibn Hunayn en arabe traduisent des particulières vraies d’Aristote par des universelles fausses. La traduction de Gohlke existe depuis un demi-siècle mais elle ne semble pas être connue comme elle le mérite. En 1963, douze ans après sa publication, l’Anglais Ackrill publie une traduction du De Interpretatione destinée à remplacer celle de Cooke éditée chez Loeb depuis 1938. Il ne mentionne pas le nom de Gohlke et, comme pour aggraver son cas, fait un éloge appuyé de la traduction française de Tricot. En 1989, l’Américain Horn publie une monumentale Natural history of negation, avec un copieux chapitre sur Aristote. Le nom de Gohlke n’apparaît pas. Les érudits italiens le mentionnent mais ne tiennent aucun compte de la note 10.

    3 – Le problème linguistique posé par l’indéterminée négative du chapitre7.

         Aristote nous demande de considérer ses indéterminées comme des particulières.  Gohlke les traduit en conséquence. Mais, lucide, il attire l’attention dans sa note 10 sur un fait énorme, évident pour quiconque lit avec attention le texte grec : la forme de l’indéterminée négative ne s’accorde pas avec le sens que le maître nous enjoint de lui donner. La chose sera examinée mais, dès maintenant, évoquons d’un mot le problème. Parce que la négation ouk précède un verbe esti, signifiant il existe tout comme dans l’affirmative Esti leukos anthropos, l’helléniste traduit spontanément Ouk esti leukos anthropos par Il n’existe pas d’homme blanc,phrase qui équivaut à l’universelle naturelle Oudeis anthropos leukos Aucun homme n’est blanc.Or, Aristote nous demande de l’interpréter comme si nous avions Esti ou leukos anthropos, Il existe des hommes non blancs, phrase équivalant à la particulière négative naturelle Certains hommes ne sont pas blancs.

 

4 – Analyse grammaticale de l’indéterminée affirmative. Les conséquences fâcheuses de la faute de traduction.

    Mais parlons d’abord de l’indéterminée affirmative qui, elle, ne pose pas de problème, sa forme correspondant au sens que lui donne Aristote. D’une part, le esti est placé en tête et, pour cette raison, n’est pas enclitique mais accentué. D’autre part, le esti est associé à un nom sans article. Pour l’interprétation de ce verbe, ces deux faits sont d’une égale importance et doivent être considérés conjointement. Ils font qu’esti n’a pas un rôle de copule et induit nécessairement le sens de il existe il y a. D’où la traduction qu’appelle un tel donné syntaxique Il existe des hommes blancs. L’indéterminée affirmative d’Aristote induit donc bien le sens de la proposition particulière marquée Certains hommes sont blancs.

Si nous avions dans le texte grec Ho anthropos esti leukos, redisons-le, nous n’aurions pas affaire à une particulière mais à une universelle. Or, c’est bien cette forme qu’Ibn Hunayn attribue indûment à l’indéterminée d’Aristote quand il la traduit par Al insan huwa abyad. Cette phrase artificielle en arabe comporte les trois éléments de la phrase grecque absente du chapitre7, à savoir :

     –  le groupe nominal constitué de l’article al et du nom insan, homme, correspondant au sujet ho anthropos 

      –  le pronom de 3° personne huwa correspondant à esti dans son rôle de copule

      –  l’adjectif abyad, blanc correspondant à l’attribut leukos.

                   Cette phrase est artificielle, l’arabe n’utilisant pas de copule pour relier l’attribut à son sujet. Dans son commentaire sur le De Interpretatione, Al-Farabi dit simplement Al insan abyad L’homme – blanc. Aziz Hilal, l’un de mes maîtres, m’assure que lorsqu’un philosophe arabe se fait un devoir de rendre la copule esti du grec, il utilise le pronom huwa. Ce souci de fidélité à la lettre du texte grec est louable mais il est ici pathétique.

     Nous n’avons pas dans Aristote Ho anthropos esti leukos et le Esti leukos anthropos du chapitre 7 précisément n’utilise pas esti en tant que copule. Encore une fois, quelqu’un a introduit malencontreusement un article défini générique dans les indéterminées d’Aristote. De là ce vénérable usage de traduire des particulières comme si c’étaient des universelles. La traduction d’Ibn Hunayn a instillé dans l’esprit des commentateurs arabes cette opinion erronée, ô combien, que l’indéterminée affirmative était dans Aristote Ho anthropos esti leukos et qu’une telle phrase pouvait avoir en grec la valeur d’une particulière malgré la présence de l’article défini générique ho. Cette opinion se trouve exprimée par Al-Farabi dans son commentaire sur le De Interpretatione, commentaire traduit en anglais par Zimmermann.

    « The subject in opposite unquantified sentences is expressed by a noun with the definite article, which is something common to every language. For the way to express an unquantified subject in Persian is to attach to its name a particle corresponding to the article al in Arabic. Similarly in Greek. The Greek particle which corresponds to the Arabic al is known among Greeks grammarians as arthron. »

           Ce texte montre clairement qu’Al-Farabi est induit en erreur par la traduction     d’Ibn Hunayn. Son commentaire sur les indéterminées du chapitre 7 eût été moins embarrassé s’il avait eu une connaissance directe du texte grec et rien ne montre davantage son intelligence que cet embarras même. En substance, il dit en effet que  Al insan abyad avec al générique a naturellement le sens d’une universelle et fait connaître le même fait que l’universelle marquée Kull insan abyad Tout homme est blanc (le mot kull correspond au français tout et au mot grec pas). Mais d’un autre côté, il se voit contraint d’imaginer un autre usage de cette phrase. Voici ce qu’il écrit au sujet de l’article défini :

         « In connexion with the subject of an unquantified statement, it signifies one of the two things first mentioned. If it is used to signify that the notion is plain and not delimited by a quantification, the two sentences are not contrary. But if it is used in the meaning of every, then the sentences are indeed contrary. For whenever we say (the) man in the sense of every man, (the) man is white means every man is white and (the) man is not white means no man is white. »

               Dans ce texte, Al-Farabi attribue deux usages aux phrases L’homme est blanc, L’homme n’est pas blanc. Dans le premier, les deux propositions ne sont pas contraires, elles peuvent être vraies ensemble, s’énoncer l’une et l’autre dans le même discours. Si nous admettons un instant que L’homme est blanc puisse traduire une indéterminée d’Aristote signifiant Certains hommes sont blancs et que du même coup L’homme n’est pas blanc puisse signifier Certains hommes ne sont pas blancs, alors, c’est vrai, on pourra dire à la fois que l’homme est blanc et que l’homme n’est pas blanc. Sur ce beau modèle, on pourra dire à la fois que l’homme joue de la trompette et qu’il ne joue pas de la trompette, que le Français aime la vodka et qu’il n’aime pas la vodka etc. Dans le second usage, qui m’a tout l’air d’être celui des souks de Damas et de Tunis, L’homme est blanc avec article générique veut dire que tous les hommes sont blancs et L’homme n’est pas blanc qu’aucun ne l’est. En réalité, il n’est pour les deux phrases qu’un seul usage : le second. Le premier est imaginaire, né qu’il est d’une faute de traduction gigantesque.

    5 – Gohlke traduit en respectant les intentions d’Aristote.

          Aristote veut que son ouk esti leukos anthropos soit interprété comme une particulière, Gohlke traduit par une particulière et ce, malgré son intime conviction que cette phrase grecque a la valeur d’une universelle. Rappelons comment il rend les indéterminées :

                        Es kommt vor, dass Mensch weiss ist.

                        Il arrive qu’homme soit blanc.

                       

                       Es kommt vor, dass Mensch nicht weiss ist.

                       Il arrive qu’homme ne soit pas blanc.

 

        Ces phrases sont artificielles. Elles comportent une proposition principale Es kommt vor, dass, Il arrive que et une proposition subordonnée sujet. Elles sont artificielles en ce que les séquences Mensch ist weiss , Mensch ist nicht weiss que Gohlke traite comme des propositions sont agrammaticales. Ce point sera examiné dans notre commentaire de la note 10. Disons brièvement ici que le nom Mensch ne peut pas s’employer sans article. Cependant, malgré leur agrammaticalité, ces séquences induisent un sens utile quand on les place derrière un Es kommt vor, dass, Il arrive que. Mensch ist weiss indique alors qu’humanité et blancheur peuvent être associées et Mensch ist nicht weiss que les mêmes qualités peuvent ne pas être associées. A titre de note, nous signalons au non germaniste que si ces séquences apparaissent ici sous les formes Mensch weiss ist, Mensch nicht weiss ist, c’est en raison d’une contrainte de la syntaxe allemande qui veut que dans une structure phrastique, devenue proposition subordonnée, le verbe soit toujours placé à la fin. Gohlke propose deux autres manières de rendre les indéterminées d’Aristote. L’une consiste à utiliser l’adverbe bisweilen, quelquefois, l’autre à employer le tour es gibt suivi de l’accusatif, tour correspondant à notre il y a. On trouve donc Esti leukos anthropos traduit par Bisweilen ist Mensch weiss Quelquefois homme est blanc, et Ouk esti leukos anthropos  traduit par Bisweilen ist Mensch nicht weiss Quelquefois homme n’est pas blanc. L’adverbe bisweilen est peut-être plus élégant que es kommt vor, dass mais on a toujours l’inconvénient que représente l’agrammaticalité des séquences Mensch ist weiss, Mensch ist nicht weiss.A titre de note, signalons qu’il faut attribuer à la présence de l’adverbe bisweilen en tête de phrase le fait que Mensch ist weiss, par exemple, devient ist Mensch weiss. Le tour es gibt, il y a a ma préférence. Il permet d’éviter les séquences agrammaticales signalées plus haut et il engendre des expressions qui épousent parfaitement la forme qu’a ou devrait avoir une indéterminée d’Aristote : Es gibt einen weissen Menschen Il y a un homme blanc, reproduit exactement la séquence grecque Esti leukos anthropos. Es gibt einen nicht weissen Menschen Il y a un homme non blanc représente adéquatement ce Esti ou leukos anthropos  qu’il faut substituer mentalement à Ouk esti leukos anthropos si l’on veut traduire l’indéterminée négative conformément aux intentions d’Aristote. Ces trois façons différentes de rendre les indéterminées du chapitre 7 ont un point commun : elles traduisent des particulières par des particulières.

            6 – Lucidité de Gohlke

   Du point de vue formel, l’indéterminée négative, c’est l’adverbe de négation ouk  suivi de l’indéterminée affirmative. Placé comme il est, cet adverbe a son incidence sur le verbe esti il existe et l’helléniste ordinaire traduira spontanément Il n’existe pas d’homme blanc. Il pensera avec raison que Ouk esti leukos anthropos a le sens de Oudeis anthropos leukos. C’est également l’opinion de l’érudit Gohlke. C’est surtout l’opinion d’Aristote lui-même qui, dans un aveu non dépourvu d’artifice, reconnaît que son indéterminée négative a l’air de signifier la même chose que l’universelle négative. L’artifice est dans ce a l’air. Ouk esti leukos anthropos a l’air de signifier Oudeis anthropos leukos comme Il pleut a l’air de signifier Il pleut. Tranchons : il signifie Oudeis anthropos leukos et quand Aristote nous demande de l’interpréter comme si l’on avait Esti ou leukos anthropos, il y a de sa part un coup de force qu’il faut accepter mais qu’il serait lâche de nier. C’est la grandeur de Gohlke d’avoir osé suggérer la chose tout en traduisant selon les injonctions du maître.

                                                                                                Jean-François  Monteil

 

 Appendice I

Texte complet de la note 10 :

 10 Hier kommt der Übersetzer in die grösste Verlegenheit, Aristoteles sagt ouk esti leukos anthropos, und der Zusammenhang verlangt ganz eindeutig, dies als eingeschränktes Urteil aufzufassen. Dies wäre nicht erreicht, wenn man sagte, ‘es kommt vor…’ ,‘es kommt nicht vor…’, man muss die Verneinung zum Argumentsatz setzen ‘es kommt vor, dass nicht’. Und man darf ja auch nicht übersetzen ‘Mensch ist nicht weiss’, weil dies für uns keine eingeschränkte Aussage bedeuten würde. Sie kann dies freilich auch im griechischen Wortlaut nicht, denn Aristoteles sagt 17b 35 ja selber, man müsse den Satz im ersten Augenblick für gleichbedeutend halten mit ‘Kein Mensch ist weiss’. Wir stellen also fest, dass auf dieser Stufe lediglich das Fehlen von pas das Zeichen für die Einschränkung des Urteils ist, und wir erinnern an Erl.7 und an die Gruppe (4) im Kapitel, wo diesselbe Formel offenbar wiederum einen eingeschränkten Satz ausdrücken soll.

 

Traduction d’une partie de la note 10 avec commentaire

            1 – Hier kommt der Übersetzer in die grösste Verlegenheit, Aristoteles sagt ouk esti leukos anthropos, und der Zusammenhang verlangt ganz eindeutig, dies als eingeschränktes Urteil aufzufassen.

              Le traducteur est ici très embarrassé. Aristote dit Ouk esti leukos anthropos  et le contexte exige clairement que cette phrase soit interprétée comme un jugement particulier Certains hommes ne sont pas blancs.

Commentaire

            La séquence Ouk esti leukos anthropos induit le sens de Il n’existe pas d’homme blanc, donc celui d’un jugement universel négatif Aucun homme n’est blanc. D’où l’embarras du traducteur.

 

 

              2 –  Dies wäre nicht erreicht, wenn man sagte ‘es kommt vor…’-‘es kommt nicht vor’ , man muss die Verneinung zum Argumentsatz setzen ‘es kommt vor, dass nicht

               Cette interprétation serait impossible si, après avoir traduit l’indéterminée affirmative Esti leukos anthropos par Es kommt vor, dass Mensch weiss ist, Il arrive qu’homme soit blanc, on traduisait Ouk esti leukos anthropos par Es kommt nicht vor, dass Mensch weiss ist, Il n’arrive pas qu’homme soit blanc. La négation doit être placée dans la proposition subordonnée, sujet de la proposition principale à la forme affirmative Es kommt vor, dass, Il arrive que. Il faut donc traduire par Es kommt vor, dass Mensch nicht weiss ist, Il arrive qu’homme ne soit pas blanc.

Commentaire

    Résumons : Ouk esti leukos anthropos ne doit pas se traduire par  Il n’arrive pas qu’homme soit blanc mais par Il arrive qu’homme ne soit pas blanc. Rappelons d’autre part que pour rendre Ouk esti leukos anthropos, et lui donner le sens d’une particulière, Gohlke utilise trois tours :

          1 – Es kommt vor, dass Mensch nicht weiss ist, Il arrive qu’homme ne soit pas blanc.

          2 – Bisweilen ist Mensch nicht weiss, Quelquefois homme n’est pas blanc.

          3 – Es gibt einen nicht weissen Menschen. Il y a un homme non blanc.

    Pour mieux saisir la pensée de Gohlke, utilisons le tour es gibt, il y a. L’indéterminée affirmative sera rendue par Es gibt einen weissen Menschen, Il y a un homme blanc, phrase ayant la valeur d’une particulière. L’affirmative donc ne pose pas de problème. Il n’en va pas de même de l’indéterminée négative. Si, en raison de sa place, l’adverbe de négation ouk a son incidence sur esti, il faut traduire Es gibt nicht einen weissen Menschen, soit en bon allemand courant Es gibt keinen weissen Menschen, il n’y a pas d’homme blanc. Mais alors, l’indéterminée négative se voit attribuer la valeur d’une universelle négative alors qu’Aristote veut qu’elle ait celle d’une particulière négative. Pour se conformer à la volonté du maître, il faut donc traduire comme si l’adverbe de négation ouk avait son incidence sur leukos, comme si l’on avait Esti ou leukos anthropos, autrement dit, il faut traduire Es gibt einen nicht weissen Menschen, Il y a un homme non blanc.

 Résumons comme nous l’avons fait au début de ce commentaire mais en utilisant maintenant le tour es gibt, il y a : la séquence Ouk esti leukos anthropos ne doit pas se traduire par Il n’y a pas d’homme blanc mais par Il y a un homme non-blanc.

3 Und man darf ja auch nicht übersetzen ‘ Mensch ist nicht weiss ‘ weil dies für uns keine eingeschränkte Aussage bedeuten würde.

Il n’est pas permis non plus de traduire Ouk esti leukos anthropos par Mensch ist nicht weiss, Homme n’est pas blanc. En effet, cette expression ne saurait avoir pour un Allemand le sens d’une proposition particulière négative Certains hommes ne sont pas blancs.

Commentaire

    Selon les germanistes, les séquences Mensch ist weiss, Mensch ist nicht weiss sont agrammaticales : le nom Mensch employé sans article ne peut pas exercer une fonction syntaxique comme celle de sujet. Néanmoins Gohlke conçoit la phrase Mensch ist nicht weiss et s’interroge sur le sens qu’elle induit, en dépit de son agrammaticalité. C’est que les quatre mots de Mensch ist nicht weiss répondent aux quatre mots de la séquence grecque Ouk esti leukos anthropos. La différence entre les deux séquences réside uniquement dans le fait que les quatre éléments s’y présentent dans des ordres différents.Mensch ist nicht weiss, c’est en quelque sorte les quatre mots de la séquence grecque disposés dans un ordre capable d’engendrer dans la traduction une phrase allemande, agrammaticale, certes, mais intelligible. L’opinion de Gohlke sur la phrase agrammaticale Mensch ist nicht weiss peut sans doute se formuler ainsi : si, malgré son agrammaticalité, la séquence  Mensch ist nicht weiss est produite, un Allemand l’interprétera par défaut. Il l’interprétera comme s’il avait affaire à Der Mensch ist nicht weiss avec le sens de l’universelle négative Kein Mensch ist weiss. Il l’interprétera comme s’il avait affaire à un Der Mensch ist nicht weiss dans lequel un locuteur maladroit parlant à la Diable « comme un Français » aurait intempestivement supprimé l’article Der. En tout cas, il est sûr, selon Gohlke, qu’un Allemand ne lui donnera jamais le sens de la particulière négative Certains hommes ne sont pas blancs. Il va de soi que si Gohlke  rejette Mensch ist nicht weiss, il doit rejeter plus encore Der Mensch ist nicht weiss, le L’ homme n’est pas blanc des Tricot et des Cooke.

4 –  Sie kann  dies freilich auch im griechischen Wortlaut nicht,

      A dire vrai, l’indéterminée négative du texte grec Ouk esti leukos anthropos  ne peut pas, elle non plus, avoir le sens de la proposition particulière négative Certains hommes ne sont pas blancs.

Commentaire

   Et pour cause. Placé comme il est, l’adverbe de négation ouk a son incidence sur  esti. Si esti signifie il existe, ouk esti signifie il n’existe pas. En conséquence  Ouk esti leukos anthropos signifie  Il n’existe pas d’homme blanc, Aucun homme n’est blanc.

5 –  denn Aristoteles sagt 17b 35 ja selber, man müsse den Satz im ersten Augenblick für gleichbedeutend halten mit ‘ Kein Mensch ist weiss ‘.

          Car, comme le dit Aristote lui-même en 17b 35, l’on doit, à première vue, considérer la phrase Ouk esti leukos anthropos comme synonyme de Oudeis anthropos leukos, Aucun homme n’est blanc.

                                                          Commentaire

   Cette évocation de l’aveu d’Aristote est le point culminant de la note 10. Nous arrêtons ici la traduction car il faut qu’il y ait arrêt sur image. Donc, selon Gohlke, l’indéterminée négative du chapitre 7 ouk esti leukos anthropos est une proposition universelle négative, qu’Aristote nous demande d’interpréter comme une proposition particulière négative. Le Professeur Sanmartin de Madrid partage cette opinion. D’autres érudits expriment aussi leur embarras. Ainsi Ackrill a ce cri du cœur : « It is a pity that Aristotle introduces indefinite statements at all. » L’opinion de Gohlke choquera peut-être mais ceux que choqueront ses perplexités légitimes devront se souvenir qu’il est aussi le seul à traduire la proposition indéterminée négative conformément aux vues d’Aristote. Tous les autres traducteurs rendent par des propositions universelles fausses les propositions indéterminées du chapitre 7 du Peri Hermeneias, deuxième livre de l’Organon aristotélicien alors que ces indéterminées du chapitre 7 du Peri Hermeneias sont, pour Aristote, des propositions particulières vraies. L’ouvrage d’Isidor Pollak, publié à Leipzig en 1913, permet peut-être d’expliquer cette faute. Une première traduction arabe rendit les propositions indéterminées du De Interpretatione chapitre 7 en respectant la forme qu’elles ont dans le texte grec de l’Organon aristotélicien. Elles furent donc traduites par des phrases arabes signifiant Il y a des hommes blancs et Il n’y a pas d’homme blanc. On s’aperçut alors que la phrase Il n’y a pas d’homme blanc ne peut pas avoir le sens d’une proposition particulière négative. En effet, dans la proposition  ouk esti leukos anthropos, traduite mot à mot par la phrase arabe de la première traduction arabe de De Interpretatione : Laysa yujadu abyadan insanun, la négation porte sur un verbe esti signifiant il existe. Il en résulte que cette indéterminée négative du texte grec de l’Organon aristotélicien n’a pas le sens d’une proposition particulière négative Il y a des hommes qui ne sont pas blancs, autrement dit, Certains hommes ne sont pas blancs mais bien plutôt le sens d’une proposition universelle négative : Il n’existe pas homme blanc, autrement dit, Aucun homme n’est blanc, Tous les hommes sont non-blancs. Il aurait fallu constater la difficulté et, comme Gohlke, substituer un Il y a des hommes non-blancs à Il n’y a pas d’homme blanc. Au lieu de cela, on remodela les indéterminées du De Interpretatione, chapitre 7. La seconde traduction arabe de l’Organon aristotélicien rendit les indéterminées du texte protocanonique grec par des phrases arabes comportant un article défini et faisant une copule du mot servant à traduire le verbe grec esti. Cela n’arrangea rien, le L’homme n’est pas blanc avec article défini générique étant une proposition universelle négative tout comme Il n’y a pas d’homme blanc. Les choses même s’aggravèrent, la proposition indéterminée affirmative devenant, elle aussi, une proposition universelle fausse: L‘homme est blanc. En effet, la proposition naturelle : L’homme est blanc  a le même référent que la proposition universelle affirmative naturelle marquée Tout homme est blanc.

      Si l’enjeu était simplement une traduction fidèle des indéterminées du chapitre 7, la faute, reconnaissons-le, serait peu grave. Ces propositions sont destinées à ne jamais être utilisées par le logicien aristotélicien dans la pratique de son art. Pourquoi le seraient-elles ? Les indéterminées d’Aristote, on l’a vu, sont des redites de propositions marquées du carré et ce, quelle que soit l’interprétation que l’on donne de la négative Ouk esti leukos anthropos. Comme nous comprenons le philosophe, à qui il importe peu que ces inutilités soient bien ou mal traduites! Seulement voilà, la traduction traditionnelle présente l’inconvénient de dissimuler à plaisir le fait majeur, et si lourd de conséquences : l’éviction par Aristote du couple L’homme est blanc versus L’homme n’est pas blanc. Comment les gens pourraient-ils s’aviser que le maître élimine le couple L’homme est blancversusL’homme n’est pasblanc et mutile ainsi le système naturel, quand ils voient ce même coupleconstamment utilisé pour traduire les indéterminées ? Le fait majeur  de l’Organon, le fait majeur du De Interpretatione chapitre 7, nous ne le dirons jamais assez, c’est la mutilation par Aristote d’un système naturel. Les deux phrases L’homme est blanc, L’homme n’est pas blanc sont les deux grandes absentes de l’exposé aristotélicien. Elles ne sont pas décrites dans le chapitre 7 du De Interpretatione alors qu’elles devraient l’être. N’appartiennent-elles pas au système naturel tout autant que les quatre propositions marquées ( quantified and marked en anglais ) : Tout homme est blanc, Tout homme n’est pas blanc, Quelques hommes sont blancs, Aucun homme n’est blanc ?

Ces phrases non-marquées ( unquantified, unmarked en anglais ) L’homme est blanc, L’homme n’est pas blanc sont, selon  Jean-François Monteil,  les universelles non marquées du système naturel.

     Le système de la langue naturelle est à la fois distinct d’un système logique sous-jacent et lié à lui. La proposition universelle affirmative du système logique sous-jacent A, c’est (x) f(x) → g(x) Quel que soit x, si x a la qualité dénotée par f, alors x a la qualité dénotée par g. Si f représente la qualité homme et g la qualité blanc, A ou (x) f(x) → g(x) devient Quel que soit x, si x est homme, alors x est blanc. Cette universelle logique affirmative A ou (x) f(x) → g(x) représente proprement le référent non pas d’une mais de deux universelles naturelles affirmatives. Ces deux universelles affirmatives naturelles sont d’une part Tous les hommes sont blancs et d’autre part Les hommes sont blancs. Elles ont le même référent symbolisé par A ou (x) f(x) → g(x).  Elles ont le même référent pour autant qu’elles font connaître la même réalité. Mais malgré cette identité de leur référent, elles n’ont pas le même sens. Elles n’ont pas le même sens parce qu’elles ne servent pas à contredire la même chose. Tous les hommes sont blancs a pour fonction de contredire Certains hommes ne sont pas blancs tandis que Les hommes sont blancs a pour fonction de contredire Les hommes ne sont pas blancs. Actuellement, on confond illégitimement l’universelle affirmative logique A ou (x) f(x) → g(x)  Quel que soit x, si x est homme, alors x est blanc et l’universelle affirmative naturelle marquée Tous les hommes sont blancs alors que l’universelle affirmative naturelle non marquée Les hommes sont blancsexiste aussi et contient aussi le référent symbolisé par A. Je renvoie à mon article qui sera désormais accessible sur Google en français et en anglais : Le carré d’Aristote ou carré d’Apulée, l’hexagone de Robert Blanché dans Structures intellectuelles , le triangle de la logique indienne mentionné par J.M Bochenski

Appendice II

BIBLIOGRAPHIE –  NOTES  –  COMPLEMENTS

En raison de son importance, l’entrée Aristote précède les entrées Al-Farabi et Apulée et revêt, on s’en doute, une ampleur particulière. Six subdivisions dans cette entrée spéciale:

I    l’œuvre de Gohlke et les deux  éditions du texte grec faisant autorité.

II   les traductions du De Interpretatione antérieures à celle de Paul Gohlke.

III les traductions postérieures à celle de Paul Gohlke. Dans I  II et III, nous indiquons comment chacune des traductions mentionnées rend les indéterminées.

IV remarques grammaticales destinées à aider le lecteur à apprécier les différentes traductions.

V  rubrique consacrée à la traduction espagnole de C. Sanmartin. La traduction est assez récente puisqu’elle est de1988. Comme Gohlke, son auteur perçoit le problème posé par l’indéterminée négative. Pourtant il se rallie à la mauvaise traduction de Jules Tricot.

VI le jugement d’Olof Gigon sur Gohlke expliquant pourquoi outre Rhin, l’exceptionnel Gohlke n’est pas reconnu comme il devrait l’être.

 

 

Aristote

I  Gohlke et les éditions faisant autorité

-Aristoteles, Die Lehrschriften, édition, traduction, commentaires de P.Gohlke, Bde.1.9.1947-1961.

Bd .2 ,1 : Kategorien und Hermeneutik, Paderborn 1951.

Es gibt einen weissen Menschen, Es gibt einen nicht weissen Menschen

– Aristotelis, Opera,  Ed. I. Bekker, Académie royale de Prusse, Reimer, 1832 ; deuxième édition revue par Olof Gigon, W. De Gruyter, Berlin 1960.

(le De Interpretatione est dans le volume I )

– Aristotelis de interpretatione recognovit L.Minio-Palluelo, Oxford,1956.


II  Traductions du De Interpretatione  antérieures à celle de Gohlke.

– Kitab Aristutalis bari arminyas, Ishaq b.Hunayn, éd.Badawi, Koweit, 1980.

Al insan huwa abyad, Al insan laysa huwa abyad.

 

Zell, K., 1836: Aristoteles, Werke. Organon, oder Schriften zur Logik. Uebersetzt von K.Zell. Erstes Bändchen: Kategorien, Von der Rede, als Ausdruck der Gedanken, Stuttgart 1836

                     Der Mensch ist weiss , Der Mensch ist nicht weiss

–  The organon I. On Interpretation, H.P. Cooke, Loeb, 1938. éd. 2   1973.

Man is white, Man is not white.

–  The works of Aristotle, translated into English under the editorship of W.D. Ross, vol.I : Categoriae and De Interpretatione, by  E.M.Edghill, Oxford 1928,réédition, 1963.

Man is white, Man is not white.

–   Organon  II. D Interpretatione, J.Tricot, Vrin, 1959.

L’ homme est blanc, L’ homme n’ est pas blanc.

III   Traductions du De Interpretatione  postérieures à celle de Gohlke.

– Aristotle’s Categories and De Interpretatione, translated with notes by J.L Ackrill,

Oxford University Press, 1963.

A man is white, A man is not white.

 

– Aristotele, De Interpretatione, introduction, traduction, notes d’Antiseri,

Minerva Italica, Bergamo 1969.

Uomo è bianco, Uomo non è bianco.

– Aristotle’s Categories and Propositions (Deinterpretatione), traduction, commentaire de H.G.Apostle, The Peripatetic Press, Grinel, Iowa 1980.

Man is white or Men are white   Man is not white or Men are not white.

– Aristoteles, Tratados de Logica ( Organon ) II : Sobre la Interpretacion…,  introduction, traduction, notes de C.Sanmartin, Editorial Gredos, Madrid 1988.

p. 45, note 53

Es (el) hombre blanco, No es (el) hombre blanco.

 

– Aristotele, Dell’ interpretazione,

introduction, traduction, commentaires de Marcello Zanatta,

Biblioteca Universale Rizzoli, 1992.

Uomo è bianco, Uomo non è bianco.

–  Zekl, H.G, 1998 : Aristoteles, Organon. Bd. 2 : Kategorien / Hermeneutik oder Vom sprachlichen Ausdruck (De interpretatione) ; beigegeben sind Porphyrios : Einführung in die Kategorien des Aristoteles in die Kategorien des Aristoteles (Isagoge), Pseudo-Platon : Begriffsbestimmungen (Definitiones).  Herausgegeben, übersetzt, mit Einleitungen und Anmerkungen versehen von H.G. Zekl. Griechisch-deutsch, Hamburg 1998.

Mensch is weiss, Mensch ist nicht weiss

Aristoteles Werke in deutsche Übersetzung, Peri Hermeneias, Band I Teil,      Akademie Verlag, Berlin, 2002, traduit par Hermann Weidemann.

                    (Ein) Mensch ist weiss, (Ein) Mensch ist nicht weiss

IV  Remarques  grammaticales.

Les proverbes sont des propositions universelles. Ils ressemblent aux propositions universelles des scolastiques L’homme est mortel, L’homme n’est pas une pierre. Le grammairien invite donc le lecteur à observer la langue des proverbes. Cela l’aidera à comprendre les problèmes de langue relatifs aux indéterminées d’Aristote. Soit le proverbe Bon chien chasse de race. Il constitue une proposition universelle disant que tout bon chien chasse de race, le sujet y est un nom sans article. Cette absence d’article caractérise le proverbe comme genre littéraire et sa possibilité est liée au caractère systématiquement universel de la proposition. Si on traduit le proverbe dans la langue ordinaire, on doit employer un article avec le sujet. On voit alors qu’en français, il est indifférent  que cet article soit l’indéfini ou le défini : Un bon chien chasse de race, Le bon chien chasse de race sont tous deux des propositions universelles. Dans cette situation, où n’importe quel article peut accompagner le sujet d’une proposition, l’usage de l’article ne s’impose pas à des fins d’information, puisque la proposition est une universelle en tout état de cause. Il sert de marqueur stylistique. Les phrases  Souvent une femme varie, Souvent la femme varie appartiennent à la langue ordinaire alors que Souvent femme varie relève d’un registre spécial, celui du proverbe. De ces remarques, retenons ceci : si le sujet d’une proposition systématiquement universelle peut être accompagné de l’un ou de l’autre article, il peut être dépourvu d’article sans dommage pour l’information. Dans une telle situation, en effet, la séquence est interprétée comme une proposition universelle. Notons que la séquence sera interprétée et interprétée comme une proposition universelle, qu’elle soit grammaticale ou non, que la langue considérée accepte ou n’accepte pas l’emploi du nom sans article. Cela est illustré par le français et l’allemand. Pour dire que tout homme est mortel sans utiliser le mot tout, un francophone peut dire Un homme est mortel ou L’homme est mortel.  De la même façon,  qu’il dise Ein Mensch ist sterblich  avec l’article indéfini Ein ou Der Mensch ist sterblich avec l’article défini Der, le germanophone affirme que tout homme est mortel. Il en résulte que les séquences Homme est mortel et Mensch ist sterblich seront nécessairement interprétées comme des universelles. En français, Homme est mortel est une phrase grammaticale, attribuable au registre du proverbe tandis qu’en allemand, Mensch ist sterblich est intelligible mais agrammatical, les proverbes n’utilisant pas le tour Mensch ist sterblich. Mais en disant  dans la note 10 que la séquence Mensch ist weiss ne peut pas s’interpréter comme une proposition particulière, Gohlke  suggère  que, par défaut, elle sera interprétée comme une universelle.

Les phrases envisagées ici sont des tours très simples, associant un nom et un attribut. Dans ce cadre grammatical, il semble que si le nom est placé dans la position d’un thème, il confère à la proposition dont il est le sujet la valeur d’une universelle sauf s’il est accompagné d’un quantificateur explicite donnant à la proposition une valeur de particulière. Dans Quelques hommes sont justes le mot quelque donne à la proposition une valeur de particulière. Mais, hormis ce cas, il suffit, semble-t-il, de donner au nom une position « thématisante » (qui n’est pas toujours mais qui est très souvent la position initiale),  pour que la proposition soit perçue comme universelle. A cet égard, il est significatif qu’Aristote a disposé les trois éléments de son indéterminée affirmative dans l’ordre Esti leukos anthropos et non dans l’ordre  Anthropos esti leukos. En effet, il est probable que cette seconde séquence aurait été interprétée comme une universelle, tout comme Ho anthropos esti leukos. Cette affinité entre la thématisation du nom sujet et la quantité universelle de la proposition se manifeste-t-elle en latin ? Il semble que oui. Saint-Thomas disposait de deux traductions latines du De Interpretatione, l’une présentée comme plus ancienne et qualifiée d’antiqua, l’autre présentée comme moderne et qualifiée de recens. L’indéterminée affirmative du chapitre 7 Esti leukos anthropos, indéterminée à valeur de particulière, est traduite dans l’antiqua  par Est albus homo, dans la recens par Est homo albus. Il y aura lieu, sans doute, de s’interroger sur cette différence mais j’entends ne considérer ici que la forme Est albus homo de l’antiqua  puisque cette séquence reproduit exactement la séquence grecque Esti leukos anthropos. Je pense que la traduction Est albus homo  respecte les intentions d’Aristote : le est placé en tête induit le sens de Il y a et Est albus homo se traduit le plus naturellement du monde par ll existe des hommes blancs, proposition particulière. Dans les lectiones X, XI, XII, XIII, de son commentaire, Saint-Thomas remplace le Est albus homo de la traduction par Homo est albus. Il aligne ainsi la forme de cette indéterminée sur celle de l’indéterminée universelle Homo est animal. Or, on peut se demander si cette modification de l’ordre des mots ne transforme pas la particulière vraie d’Aristote en une universelle fausse. Il est probable que le nom homo  placé en tête tend à se thématiser et que le est , qui n’est plus initial tend à prendre la valeur d’une copule. Les latinistes que j’ai consultés pensent que Homo est albus  induit plutôt le sens      d’une universelle et qu’ils le traduiraient spontanément par L’homme est blanc avec article défini générique. Ces remarques étant faites, j’invite le lecteur à se demander si  Uomo è bianco, Man is white, A man is white  peuvent avoir une valeur de particulière en toutes circonstances, comme il sied à des phrases exemples ayant une fonction paradigmatique.

V C.Sanmartin  p. 45, note 53

Monsieur Sanmartin voit clairement le sens qu’ont effectivement les indéterminées               d’Aristote : Il y a des hommes blancs, Il n’ y a pas d’homme blanc. Cela suscite en nous les sentiments d’estime et de reconnaissance qu’on imagine. Avouer que             l’indéterminée négative du chapitre 7 est une universelle négative et non une particulière négative, c’est avoir parcouru plus de la moitié du chemin. Mais il n’ose pas suggérer, comme le fait Gohlke, que le Stagirite nous fourvoie. S’il faut traduire   d’une manière disciplinée, redisons-le, il faut le faire dans la lucidité.

Les séquences Es (el) hombre blanco, No es (el) hombre blanco avaient ceci de bon            qu’elles reproduisaient l’ordre des mots grecs. Mais Monsieur Sanmartin croit judicieux de se rallier à la traduction de Tricot et d’introduire dans ces séquences        l’article défini el, ce qui est désastreux.

VI  Olof Gigon.

Aristoteles, Einführungsschriften, ( Ecrits introductifs )

eingeleitet, und neu übertragen von Olof Gigon, Zürich,1961, Tome I p 347

La bibliographie de Marcello Zanatta range cet ouvrage parmi ceux qui contiennent une traduction du De interpretatione. Je n’ai jamais pu mettre la main sur cette traduction. La Bibliothèque universitaire de Strasbourg m’a toujours dit qu’elle ne se trouvait dans aucun des tomes en sa possession. Et pour cause. Hermann Weidemann m’apprend que Gigon n’a jamais traduit le De Interpretatione ! Marcello Zanatta devait avoir une connaissance imparfaite de la langue tudesque. Si O.Gigon n’a pas traduit le De Interpretatione, texte fondateur entre tous pour la linguistique et pour la logique, il y a lieu de lui reprocher le jugement assassin qu’il porte sur Paul Gohlke, dont la note 10 est un modèle de probité intellectuelle et de courage. Car il faut du courage pour oser suggérer qu’Aristote nous empoisonne la vie depuis plus de deux mille ans avec cette indéterminée négative Ouk esti leukos anthropos qui signifie Il n’y a pas d’homme blanc donc Aucun homme n’est blanc et qu’il nous demande pourtant d’interpréter comme si elle signifiait Esti ou leukos anthropos Il y a des hommes non blancs donc Certains hommes ne sont pas blancs.

Sous la rubrique Texte und Literatur (Tome I p 347) O.Gigon écrit en 1961:

« In neuer Zeit  hat  P.Gohlke eine neue Gesamtübersetzung des Aristoteles in Angriff genommen und nahezu abgeschlossen. Sie hat ihre Verdienste, ist  aber im einzelnen sehr unzuverlässig und von einer unrichtigen Gesamtauffassung des Aristoteles beherrscht. » « De nos jours, P.Gohlke s’est attelé à une traduction intégrale d’Aristote et l’a presque achevée. Elle n’est pas sans mérite, mais elle est très peu sûre sur certains points et dominée par une interprétation générale d’Aristote erronée.» Le bon collègue ! O.Gigon s’est donc dérobé à l’obligation de traduire le Peri Hermeneias. De tous les textes d’Aristote, le De interpretatione est le plus difficile et en même temps celui qui continue à exercer une influence. Une influence d’autant plus puissante qu’elle s’exerce sur des gens qui n’en ont pas conscience. De nos jours, personne ne pense qu’un tas de fumier peut engendrer, au sens littéral du terme, rats et souris mais de nos jours, les linguistes pensent que les mots affirmation et négation, qui, tout comme les mots table et pomme, appartiennent à la langue-objet, à la langue à décrire peuvent s’utiliser dans la métalangue descriptrice du linguiste. Héritage d’Aristote ! De nos jours, personne ne croit que le soleil tourne autour de la terre mais de nos jours, logiciens et linguistes confondent le sens de l’universelle logique (x) f(x) → g(x)  Quel que soit x, si x est homme, alors x est blanc avec le sens de l’universelle naturelle marquée Tous les hommes sont blancs et ce parce qu’Aristote négligea de considérer l’universelle naturelle non-marquée Les hommes sont blancs. De nos jours, logiciens et linguistes confondent le sens de la particulière affirmative naturelle Certains chats sont gris avec le sens de la particulière affirmative logique ($x) f(x) & g(x)  Il existe au moins un x qui est chat et gris et ce bien que, de toute évidence, il y ait plus d’information dans  Certains chats sont gris que dans la particulière logique ($x) f(x) & g(x) Au moins un chat est gris. Si vous dites Certains chats sont gris, vous impliquez que certains autres chats, eux, ne sont pas gris et vous excluez donc non seulement le contenu de Aucun chat n’est gris mais encore celui de Tous les chats sont gris. En revanche, dire Au moins un chat est gris, Il existe au moins un x qui est chat et gris, c’est uniquement exclure le contenu d’une universelle négative comme Aucun chat n’est gris. Héritage d’Aristote !

  Al-Farabi

-Kitab Isagogi ayy al-madhal   ( l’Isagoge ou l’Introduction )

dans œuvres logiques d’Alfarabi, édition Danechi Payouh, Qom,

1404 après l’ Hégire.

– Kitab al-Huruf    ( le Livre des Lettres )

traduction et commentaire de Aziz Hilal,  thèse pour le doctorat d’université, Bordeaux, 1997.

-Sarh Kitab Aristutalis fi-l- ibara

( Alfarabi’s commentary on Aristotle’s Peri Hermeneias )

éd. W.Kutsch et S.Marrow, Beyrouth, 1960. p.68 et p.69.

-Al-Farabi’s Commentary and short treaty on Aristotle’s De Interpretatione

translation, introduction, notes, F.W.Zimmermann, London, Oxford U. P,1981.

p 62, 63

Les deux citations d’Al-Farabi de notre article viennent des pages 62 et 63 de la traduction anglaise. On lira avec profit, page 63, la note 1 de Zimmermann sur ce passage du Commentaire où Al-Farabi attribue indûment un article défini aux indéterminées du texte grec d’Aristote : In the Greek text, however, the example sentences at 17b 9f are without article. Vu l’importance du fait, la note est évidemment un peu courte. Mais c’est mieux que rien. On chercherait en vain              l’équivalent dans Tricot, dans les notes accompagnant sa traduction du De Interpretatione, dans son Traité de logique formelle. Les autres traducteurs ne sont pas plus diserts sur l’absence d’article défini dans les indéterminées du chapitre 7.

 

Apulée  The  Peri Hermeneias of Apuleius of Madaura

Latin text, English translation D.Londey, C. Johanson, in The logic of Apuleius, Philosophia antiqua, volume XLVII, E.J.Brill, Leiden 1987, Partie III p 83.

              Important pour comprendre le chapitre II du Traité de logique de Maïmonide.

 

 Arnaud (A) et Nicole (P)   La Logique ou l’Art de penser,

Flammarion, 1970. p198-204, chap.XIII de la Seconde partie de la Logique

L’Observation VI du chapitre XIII compare deux indéterminées : L’homme est raisonnable, L’homme est juste. Pour les scolastiques, la première est une universelle, la matière du jugement y étant « nécessaire » alors que la seconde est une particulière, la matière du jugement y étant « contingente ». Pour Arnaud et Nicole, grammairiens très sûrs, il en va tout autrement. Les deux sont des universelles car dans les deux, la forme est identique et comporte l’article générique. La première est une universelle  vraie, l’homme étant, par définition, l’animal mortel doté de la raison tandis que la seconde est une universelle fausse, la nature humaine ne s’associant à la justice que par accident. Pour parler comme Gohlke, lecteur attentif de Porphyre et traducteur rigoureux du chapitre 7,  Il arrive qu’ homme soit juste, Es kommt vor, dass Mensch gerecht ist.

Al-Farabi, Maïmonide, Lulle et Saint Thomas, représentent l’indéterminée universelle par L’homme est un animal,  Al insan hayawan, Homo est animal. Quant à l’indéterminée particulière, Saint Thomas et Al-Farabi, commentateur de Porphyre la représentent par L’homme est blanc, Al insan abyad, Homo est albus, Lulle et Maïmonide par L’homme écrit, Al insan katib, Homo est scriptor. Le Traité de logique formelle de Tricot donne un exemple d’indéterminée universelle : L’homme est mortel  mais ne donne aucun exemple d’indéterminée particulière. Manifestement, Tricot n’a pas voulu donner comme exemple d’indéterminée particulière ce L’homme est blanc par lequel il rend –si mal- Esti leukos anthropos .

Blanché (R)

-Structures intellectuelles, Vrin, 1966, chapitres III et  IV.

Blanché substitue l’hexagone logique au carré traditionnel en ajoutant aux quatre postes A,I,E,O  le poste Y représentant la quantité partielle et le poste U représentant l’exclusion de la quantité partielle. Ces deux additions sont appelées à avoir des effets importants dans les domaines de la logique et de la grammaire générale. Le poste Y représente adéquatement le référent des particulières naturelles, lesquelles contiennent notoirement plus d’information que les particulières logiques. Quant au poste U, il représente la valeur commune des deux contradictoires naturelles : L’homme est blanc et L’homme n’est pas blanc, contradictoires naturelles qu’Aristote n’a pas voulu considérer, mutilant ainsi un certain système naturel.

La logique et son histoire, Amand Colin, Paris, 1970.

Bochenski (J.M)  Formale Logik, Fribourg et Munich, Karl Alber, 1956.

Blanché traduit un passage de ce livre dans Structures intellectuelles, p 39. La tradition indienne accorde à la quantité partielle la place qui lui revient.

Brunschwig (J )  ‘’ La proposition particulière chez Aristote ‘’, dans Cahiers pour     l’ analyse, cité par Blanché dans La logique et son histoire, p.34.

L’auteur de ce bel article insiste sur un fait important : la différence qu’il y a entre les particulières des logiciens et les particulières naturelles. Dans les termes qui nous sont personnels, nous disons que les particulières logiques ne sont pas saturées d’information, qu’elles contiennent moins d’information que les universelles logiques auxquelles elles sont contradictoirement opposées. Les particulières naturelles, elles, sont saturées d’information, elles contiennent autant d’information que des universelles naturelles comme Tous les hommes sont mortels, Aucun homme n’est infaillible.  Par exemple, la particulière naturelle Certains élèves font de l’anglais s’oppose à Aucun élève ne fait de l’anglais mais aussi à Tous les élèves font de l’anglais. Brunschwig écrit : « La particulière ‘’logique’’ a eu quelque peine à tuer la particulière ‘’naturelle’’ mais elle a fini par y arriver. » Notre article de Damas est une tentative de ressusciter la particulière naturelle.

 

Elamrani-Jamal (A) Logique aristotélicienne et grammaire arabe, Vrin , Paris, 1983.

Goichon (A.M)      Lexique de la langue philosophique d’ Ibn Sina  (Avicenne).

 Paris, Desclée de Brouwer 1938.

Horn (Laurence.H)   A natural history of negation,

University of Chicago Press, 1989.

 

Hugonnard-Roche (H)  ‘’ Une ancienne ‘’Edition ‘’ arabe de l’Organon d’Aristote : problèmes de traduction et de transmission.’’, in Les problèmes posés par l’édition critique des textes anciens et médiévaux, 1992, Université Catholique de Louvain. Publication de l’Institut d’études médiévales.

Jespersen (Otto) The Philosophy of Grammar, Norton Library, N.Y ,1965,

p.113, 152, 203.           

Utile pour apprécier les traductions anglo-saxonnes des indéterminées aristotéliciennes.

 

Kant (I)

-Kritik  der reinen Vernunft,  Werke in sechs Bänden, Band II, Im Insel-Verlag,

 éd. W. Weischedel   p.453.

-Schriften zur Metaphysik und Logik, Werke in sechs Bänden, Band III, Im Insel-Verlag, éd.W. Weischedel  p.443

Logique, traduction de L.Guillermit, J.Vrin, 1966, p.20

Kühner (R) et  Gerth (B)   Ausführliche Grammatik der Griechischen Sprache

Zweiter Teil : Satzlehre, Erster Band, Hannover und Leipzig, Hansche Buchhandlung 1898,  p.589,590, Anmerkung 3.

 

Lambert (Johann-Heinrich)  Neues Organon  Akademie-Verlag  Berlin, 1990, Erster Band,

  Dianoiologie, p.74  paragraphe 143

En lisant John-Stuart Mill, on apprend que la République de Mulhouse a donné à la République des Lettres l’un de ses plus grands esprits. Les Français annexèrent Mulhouse en 1798 mais ignorent toujours ce Johann-Heinrich Lambert, que personne parmi eux ne songe à traduire. On se demande parfois pourquoi Dieu a donné              l’Alsace à la France ! Lambert s’est illustré dans les sciences et avait l’estime de Kant. L’éloge est explicite dans la Critique mais encore plus flatteuse pour lui cette irritation  avec laquelle, dans la Logique, Kant évoque le Neues Organon. Kant, on le sait, pensait que la logique est née complète du cerveau d’Aristote et que ce qui  passe pour progrès dans cette matière n’est qu’amélioration pédagogique dans la manière de         l’exposer. Pour Kant, l’expression Nouvel Organon était une contradiction dans les termes.

En logique, l’Alsacien est novateur. Comme la tradition indienne, comme le Blanché de Structures intellectuelles, il perçoit l’importance de la quantité partielle. Le carré d’Aristote représente la totalité et la quantité zéro dans ses postes A et E  mais il ne représente pas la quantité partielle. Il faudra attendre l’hexagone de Blanché pour que cette quantité ait une représentation explicite dans le poste Y de cet hexagone.

 

Lulle (Raymond)  Die Neue Logik   (Nova Logica), édition critique de Charles Lohr, texte latin ,traduction allemande de Vittorio Hösle et Walburga Büchel, Hambourg, Felix Meiner, 1985, p.188-189.

 

Lyons (J) Semantics 1 Cambridge University Press 1977, Volume I, 7.2,      Reference, p.194.

9.7, Marked and unmarked terms, p.309.

Certains se demanderont si la traduction d’Ackrill A man is white représente ou non  un progrès par rapport à la traduction de Cooke  Man is white. Nous leur conseillons de lire John Lyons.

 

Maïmonide (M)  Traité de logique, traduction, présentation et notes par Rémi Brague, collection Midrash, Desclée de Brouwer, Paris, 1996, p 24.25.

Makdour (I)  L’ Organon d’ Aristote dans le monde arabe, deuxième édition, Paris, 1969.

Mill ( John-Stuart )   A System of Logic Ratiocinative and Inductive  Books I-III in Collected works of John Stuart Mill, volume 7, p.170 Book II, chap.ii, paragraphe 1

 

Monteil (J-F)

– « De la traduction en arabe et en français d’un texte d’Aristote. Le chapitre 7 »

dans le Bulletin d’ Etudes Orientales, Tome XLVIII , 1996, Institut Français de Damas.

L’article de 96 montre l’importance des problèmes de traduction évoqués à propos de Gohlke. Inspirées par une relecture du chapitre 7 à la lumière de Structures intellectuelles de Blanché, ces vingt pages sont une thèse sur la contradiction naturelle en tant qu’elle est à distinguer de la contradiction logique. Ce qui caractérise la contradiction naturelle, c’est le fait que les deux contradictoires naturelles sont l’une et l’autre saturées d’information. La contradiction logique, elle, oppose une proposition saturée d’information à une proposition contenant moins d’information.

Par exemple, en disant Certains chats sont gris, on exclut spécifiquement, certes, le contenu de Aucun chat n’est gris mais on exclut également celui de Tous les chats sont gris. Si vous dites que certains chats sont gris, vous impliquez que certains autres chats ne sont pas gris. Or, impliquer que certains chats ne sont pas gris, c’est présupposer que le fait appréhendé par Tous les chats sont gris est nécessairement exclu.

Considérons le couple de propositions contradictoires logiques : I versus E

c’est-à-dire  ($x) f(x)&g(x)  versus (x) f(x) → ~g(x).

      Donnons une première lecture de ($x) f(x) & g(x)  versus (x) f(x) → ~g(x). Cela donne Il existe au moins unx qui a la qualité dénotée par f et la qualité denotée par g   versus Quel que soit x , si x a la qualité dénoté par f, alors x n’a pas la qualité dénotée par g . Donnons une seconde lecture en remplaçant f par la qualité chat et g par la qualité gris. Cela donne. Il existe au moins unx qui a la qualité chat et la qualité gris versus Quel que soit x , si x a la qualité chat, alors x n’a pas la qualité gris .

Certes, si on dit Au moins un chat est gris, on n’affirme pas que tous les chats sont gris mais on n’exclut pas la chose. J’attire l’attention du lecteur sur l’importance du Au moins un dans la lecture de la particulière affirmative logique  ($x) f(x)&g(x). Il est peccamineux, c’est certain, de confondre la particulière logique affirmative Au moins un chat est gris et la particulière naturelle affirmative Certains chats sont gris. La particulière naturelle Certains chats sont gris est saturée d’information en ce sens qu’elle exclut à la fois le contenu de Tous les chats sont gris et celui de Aucun chat n’est gris tandis que la particulière logique ($x) f(x)&g(x) Au moins un chat est gris exclut seulement le contenu de Aucun chat n’est gris. C’est la raison pour laquelle je dis que la particulière logique est non saturée d’information. Si on vous dit Au moins un chat est gris, vous savez seulement qu’est exclu le fait appréhendé par une proposition comme Aucun chat n’est gris ou Les chats ne sont pas gris. Ce fait potentiel constitue ce que j’appelle quantité zéro Z. Laquelle des deux autres possibilités : totalité T ou quantité partielle. est le cas, vous ne le savez pas. Est-ce que tous les chats sont gris ou seulement une partie d’entre eux ? Vous ne pouvez pas répondre à cette crucifiante question !

-‘’De la traduction en hébreu d’un texte arabe de Maïmonide : le chapitre II du Maqala fi sina at al mantiq ou Traité de logique’’.  Version française publiée dans les Cahiers de Tunisie en 2001. Version arabe publiée dans la revue El Machriq des Jésuites de Beyrout en 2001.

L’article se fonde sur le Peri hermeneias d’Apulée pour expliquer les propos de Maïmonide sur la proposition indéterminée.

Pollak (I)    Die Hermeneutik des Aristoteles in der arabischen Uebersetzung des Ishak ibn Honain ( Abhandlungen für die Kunde des Morgenlandes, XIII, Band, numéro 1), Leipzig, 1913, p.11, notes 189 et 190  

 

Pour résumer, Isidor Pollak nous apprend l’existence de deux traductions arabes du De interpretatione. La première est complète et se trouve à la Bibliothèque Nationale de Paris. Elle est attribuée à Ishak ibn Honain. Esti leukos anthropos y est rendu par Al insan huwa abyad, L’homme est blanc, Ouk esti leukos anthropos par Al insan laysa huwa abyad, L’homme n’est pas blanc. L’autre se trouve à Berlin dans un ensemble appelé Codex syriaque. Esti leukos anthropos y est rendu par Yujadu insanun abyadan, Il y a un homme blanc, Ouk esti leukos anthropos par Laysa yujadu abyadan insanun, Il n’ y a pas de blanc homme. La traduction de Paris ne respecte pas le texte grec, celle de Berlin le respecte. Malheureusement, c’est la première qui a fait l’objet du commentaire d’Al-Farabi.

 

Porphyre   Isagoge, traduction et notes de J.Tricot, Vrin, Paris, 1947.

Saint Thomas d’Aquin  In Aristotelis stagiritae nonnullos libros commentaria,

Paris, 1989, L.Vivès. Tome XXII, Lectiones X, XI, p.30-38.

 

Strauss  (Léo)   ‘’ Note on Maimonides ’ Treatise on the Art of logic’’,

dans Studies in Platonic political philosophy, The University of Chicago Press, 1983.

                         

Tricot (J)   Traité de logique formelle , Vrin, 1976.

chapitre quatrième, pages 112 et 113.

      Dans ce chapitre 4 se trouve un paragraphe intitulé Réduction des indéterminées.

Tout exposé scolastique sur les propositions comporte un tel paragraphe. Après avoir présenté les quatre propositions marquées, qui doivent s’utiliser dans le syllogisme, on dit quelques mots au sujet des indéterminées. Elles embarrassent et, pour s’en débarrasser, on les réduit. Les unes, dit-on, sont assimilables à des universelles, les autres à des particulières. Dans son Traité de logique, par exemple, Maïmonide donne deux exemples d’indéterminée L’homme est un animal, qui répond à                 l’universelle marquée Tout homme est un animal et L’homme écrit, qui fait écho à la particulière marquée Quelques hommes écrivent. Tricot ne faillit pas à la règle. Il écrit : ‘’La proposition indéterminée ne constitue pas une classe à part. Elle est ou universelle ou particulière, selon l’intention de celui qui l’énonce. Par exemple, si je dis l’homme est mortel en donnant au sujet la signification générale de créature raisonnable, c’est comme si je disais tout homme.’’  On attend une suite du genre ’’En revanche, si je dis l’homme est blanc c’est comme si je disais  certains hommes sont blancs ‘’,  on s’attend à ce qu’il donne  comme  exemple d’indéterminée particulière ce L’homme est blanc par lequel il traduit  Esti leukos anthropos. Cette suite ne vient pas. Tricot sait pertinemment que L’homme est blanc est une universelle fausse et non une particulière.

 

 

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Jean-François Monteil

Maître de Conférence

Université III de Bordeaux

33600 Pessac

Cestas, 25 mai 2001

                                                                           Monsieur,

                      Bien que nous ne soyons pas à l’époque du grand Frédéric, je prends la liberté de vous écrire en français. Je lis très bien l’allemand mais je suis loin de le parler et de l’écrire avec la même aisance. L’œuvre de Gohlke est unique et il est urgent de lui rendre justice. Les Anglo-Saxons et les Latins l’ignorent, faute de savoir l’allemand. Quant aux germanophones, ils sont peut-être influencés par le jugement négatif que le Suisse Olof Gigon porte sur Gohlke et que vous trouverez à la page 12 de mon article.

                     Je vous prie donc, respectueusement mais aussi d’une manière amicalement pressante, de me publier et de me publier en français. Ce serait un très grand honneur pour moi et pour vous un inconvénient mineur. André Monteil fut un des chefs de la Résistance en Bretagne mais aujourd’hui son fils aîné se bat un peu pour l’Allemagne.

             Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments  respectueux et amicaux.

                                                                                                J F   M

Hiermit sende Ich Ihnen einen Artikel, den Ich Professor Gohlkes Uebersetzung widme. Allein Gohlke hat, meiner Meinung nach, einen Text von grosser Bedeutung verstanden : das Kapitel VII in ‘’ die Hermeneutik ’’. Doch ist er bisher erstaunlicherweise in der philosophischen Gemeinschaft unterschätzt worden.

             Jean-François Monteil

Université III de Bordeaux Bordeaux,

33600 Pessac

Bordeaux, den 21.Mai 2001

                                                           Sehr geehrte Damen und Herren,

     Hiermit sende Ich Ihnen einen Artikel, den Ich Professor Gohlkes Uebersetzung widme. Allein Gohlke hat, meiner Meinung nach, einen Text von grosser Bedeutung verstanden : das Kapitel VII in ‘’ die Hermeneutik ’’. Doch ist er bisher erstaunlicherweise in der philosophischen Gemeinschaft unterschätzt worden.

                                                                    Mit freundichen Grüssen

                                                                     JF M

 

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